Se reconnecter à son corps pour être mieux dans sa tête (Source magazine Cerveau & Psycho n°170 de novembre 2024)
L’anxiété et la dépression se développent souvent quand on est trop centré sur ses routines quotidiennes et pas assez sur ses sensations corporelles.
La clé : développer son intéroception
La capacité de percevoir ce qui se passe dans notre corps – une compétence nommée intéroception- varie d’une personne à l’autre. Mais la bonne nouvelle pour celles et ceux d’entre nous qui chercheraient à diminuer leur rumination et d’autres comportements problématiques, c’est qu’il existe de nombreuses preuves que l’intéroception peut être entraînée avec des bénéfices pour notre santé mentale. Ainsi il a été révélé que le fait de suivre plusieurs mois des cours de yoga axés sur la conscience intéroceptive améliorait l’attention de façon plus importante que des cours de yoga traditionnels.
D’autres exercices sont probants : maintenir une conscience sensorielle pourrait être la clé pour atténuer l’emprise des habitudes, se concentrer sur sa respiration en étant attentif soit à sa respiration, inspiration et expiration, soit aux pulsations d’un cercle sur un écran qui s’étend et se contracte.
La « cueillette sensorielle »
Face au stress, nous avons tendance à diriger notre attention sur les causes de notre mal-être développant ainsi l’habitude de « gérer la négativité » sans laisser de place à l’intuition ou à la nouveauté à chaque moment qui passe. Il serait préférable de nous engager dans une « cueillette sensorielle » : prendre le temps de prêter attention à nos diverses sensations physiques y compris à quelque chose d’aussi simple que l’air qui afflue et reflue dans les poumons.
Comment y parvenir ? il suffit d’accorder plus de temps à nos sensations, nos pieds qui reposent sur le sol, la chaleur du soleil sur notre peau, notre pouls qui accélère en haut d’un toboggan aquatique. Lorsque nous sommes stressés, le fait de prendre un moment pour remarquer et ressentir le monde dynamique et vibrant qui nous entoure peut véritablement stimuler notre résilience, notre bien-être, notre santé et notre créativité.
Nos mains, pourvoyeuses de bien-être
Pendant des siècles, les mains nous ont permis de transformer notre environnement : outils essentiels à la production elles nous ont servi à façonner des objets, à cultiver la terre, à créer des œuvres d’art. Aujourd’hui, leurs fonctions lors d’une journée typique se limite bien souvent à cliquer, pianoter sur un clavier ou scroller sur des écrans. Cette réduction à des gestes simples et répétitifs, associée à la sédentarité massive qui découle de l’utilisation des outils électroniques et numériques, constitue un des changements les plus marquants de notre mode de vie ; notre corps est ainsi relégué aux domaines du sport ou de l’apparence.
De nombreuses études se sont penchées sur l’importance de la motricité fine et la stimulation des zones cérébrales qui commandent les mouvements de nos 10 doigts. Ainsi en Norvège, de récentes recherches ont montré que l’écriture manuscrite plutôt que sur ordinateur se traduit par une plus forte connectivité de différentes régions de cerveau les unes avec les autres stimulant ainsi les connexions neuronales de manière plus globale que la frappe sur un clavier.
D’autres chercheurs suggèrent que l’engagement physique dans une tâche aussi simple soit-elle est de nature à réduire de manière significative le stress et à améliorer les capacités cognitives. D’autres encore ont constaté que les activités manuelles comme le tricot, le jardinage ou le coloriage produisent des améliorations de la mémoire et de l’attention ainsi que des réductions des symptômes d’anxiété et de dépression. Engageant le corps dans ces mouvements répétitifs et apaisants, ces pratiques favorisent la relaxation et le bien-être.
Un besoin de retour au concret
Nos modes de vie sont aujourd’hui marqués par un état de surstimulation incessante. Le temps passé devant les écrans occupe la majorité de nos journées tant sur le plan professionnel que personnel. De nouveaux vocables (infobésité, surcharge cognitive, neuro-épuisement) viennent définir cette réalité dans laquelle un flot continu d’informations dépasserait la capacité de notre cerveau à les traiter efficacement, engendrant à la fois stress et fatigue mentale. L’attrait pour des activités qui offrent une parenthèse de déconnexion, comme la méditation ou les activités manuelles, peut être vu probablement comme un retour de balancier ou une forme d’antidote à ce neuro-épuisement.
Stop aux ruminations
Le vagabondage mental est le plus souvent de tonalité négative. Les ruminations n’ont pas qu’un impact sur notre mental ; elles jouent aussi un rôle dans la diminution de la variabilité de la fréquence cardiaque. Dans nos existences où les rythmes professionnels endiablés s’ajoutent aux impératifs personnels et familiaux, où l’on est connecté à tout moment à son bureau avec la possibilité de tout faire (ou presque) à distance, le risque de ressasser les problèmes à résoudre est élevé. Il existe alors de nombreuses façons de sortir de cet état de vigilance pour être dans une concentration plus focalisée et paisible, par le biais d’activités impliquant le corps et les mains comme le tricot, le coloriage, le bricolage, la peinture …
D’autres pratiques de reconnexion corps-esprit existent : la marche méditative, le yoga notamment lorsqu’il est centré davantage sur la connexion au corps que sur la performance, les méthodes de méditation informelles … Concrètement, il va s’agir par petite touches d’insérer dans notre quotidien, de façon régulière et délibérée, des espaces de pause mentale, de respiration, de centration de l’attention sur des activités non virtuelles mais qui engagent le corps et les sens.